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À propos de Ralph HasenohrAvant de partir en voyage, l’artiste Ralph Hasenohr sélectionne un filtre. Il détermine la tonalité de ses prises de vue et l’ambiance qui devra s’en dégager. Cela confère à ses photographies un cadre conceptuel : à Los…INFORMATIONS SUR LE BAGROUND
Avant de partir en voyage, l’artiste Ralph Hasenohr sélectionne un filtre. Il détermine la tonalité de ses prises de vue et l’ambiance qui devra s’en dégager. Cela confère à ses photographies un cadre conceptuel : à Los Angeles, l’effet résolument vintage génère une tension fascinante entre passé et présent. Le sujet de son cycle n’est autre que la célèbre Stahl House, cet indétrônable parangon d’architecture moderniste surplombant la Cité des Anges. Dans ses œuvres, Ralph Hasenohr choisit de ne pas dissocier les temporalités, mais de les amalgamer en une expérience visuelle inédite, empreinte du lifestyle californien.
En 1959, le footballer américain C. H. « Buck » Stahl demanda au jeune architecte Pierre Koenig de bâtir une maison sur son terrain. Située à flanc de colline sur les hauteurs d’Hollywood, la propriété était jusqu’alors considérée comme inexploitable. Toutefois, grâce aux méthodes de construction innovantes imaginées par Koenig, celui-ci réussit à surmonter les contraintes environnementales : il ne se doutait guère que sa réalisation deviendrait le point de repère d’un mouvement architectural qui, en Californie et bien au-delà, fit sensation. Aujourd’hui, la Stahl House est une véritable star. Dans les années 1960, Julius Shulman la photographia et en fit un lieu emblématique du Los Angeles moderne. Par la suite, les réalisateurs s’y sont bousculés pour tourner certaines de leurs plus belles scènes. La Stahl House a désormais rejoint le panthéon de l’architecture, de la photographie et du cinéma. Quant à son constructeur Pierre Koenig, il est considéré comme le père du modernisme californien.
Ralph Hasenohr est un artiste connu pour son extrême polyvalence, dont la créativité ne se cantonne pas à une forme d’expression artistique en particulier. Photographe de profession, il est aussi designer, peintre, écrivain et réalisateur de courts métrages. Son passage prolongé dans de grandes agences de publicité lui a permis d’acquérir une riche expérience dans le traitement de ces différents médiums.INTERVIEW
Comment en êtes-vous venu à l’art ? Racontez-nous comment tout a commencé.
Quand on grandit au sein d’un foyer on ne peut plus normal d’un petit village de Forêt-Noire, l’art appartient à un tout autre univers. Il n’y avait aucun moyen d’entrer en contact avec lui. Je me souviens seulement qu’enfant, je peignais toute la journée et que, plus tard, à l’adolescence, je suis tombé sur les œuvres de Salvador Dalí. Littéralement happé par son travail, j’ai parcouru tous les ouvrages et expositions qui lui étaient consacrés… jusqu’à son musée de Figueras. Plus encore que sa peinture, c’est sa folie qui me fascinait. Ce qui à l’époque me faisait également vibrer était la publicité créative. J’ai d’ailleurs compris à ce moment que je souhaitais en faire mon métier.
L’art n’était pas encore une option. J’ai d’abord suivi un apprentissage d’imprimeur offset avant de m’inscrire dans une école de cinéma en Suisse. Au lieu de poursuivre mes études en graphisme, j’ai tout de suite travaillé dans une agence de publicité. Parallèlement, j’ai tenu ma première exposition de peinture avec un ami sculpteur. Cette expérience en publicité m’a ensuite amené à Francfort, dans de grandes agences internationales. En plus de nos douze heures de travail quotidien – typique des publicitaires dans les années 1990 –, j’organisais d’autres expositions. Après deux ans passés à Rome, où j’ai commencé à travailler en tant que freelance pour diverses agences, ainsi qu’à écrire et à filmer, je suis revenu à Francfort au début des années 2000. Les mois d’hiver, la vie de freelance me permettait de m’évader dans des endroits comme Melbourne, Sydney, Palm Springs ou encore Los Angeles, où je passais plusieurs semaines à chaque séjour. Outre l’écriture et le vélo, c’est à cette époque que j’ai découvert la photographie. Une forme d’art complètement opposée, pour ainsi dire. Mes textes décrivent des images, des ambiances, tandis que mes photos écrivent des histoires.
Comment décririez-vous votre processus de travail ?
Au début, je faisais surtout de la peinture. Plus tard, pour une exposition intitulée CUTS, j’ai utilisé des feuilles à partir desquelles j’ai découpé des dessins scannés à l’aide d’un traceur, avant de les appliquer sur des surfaces en métal. CUTS a rencontré un écho extrêmement positif. Parallèlement, je travaillais en agence sur un projet de film particulièrement intéressant. Après l’exposition, toutes les œuvres ont été placées dans un conteneur. Exactement vingt-cinq ans après, j’envisage de les exposer à nouveau, entièrement laquées d’or. Et en les filmant au préalable. Le nom de l’exposition serait : GONE, BUT GOLD. L’élaboration de mes photos, telles qu’elles sont présentées chez LUMAS, n’a pour moi rien d’un « processus de travail ». J’explore des lieux qui me sont encore inconnus et en photographie les détails les plus frappants. Jamais de manière construite, mais toujours en essayant d’extraire la réalité. Quatre choses me tiennent particulièrement à cœur : 1. le sujet, ce qui signifie aussi, pour les bâtiments, qu’aucun être humain ne doit apparaître dans l’image. 2. le cadrage. 3. Le filtre, que je choisis avant le voyage. Celui-ci détermine en grande partie la manière dont je vis mes périples. Tout voyage porte en lui une ambiance particulière – les raisons du départ, les attentes du lieu, le rythme d’une ville, la relation que l’on établit avec eux, les histoires qui s’y déroulent. Les photos condensent un moment qui dépasse largement le sujet pictural. La temporalité est un facteur essentiel lors de mes déplacements. Voilà pourquoi il est essentiel de voyager à son rythme, de le synchroniser avec celui du lieu. 4. La technique. Celle-ci ne doit jamais s’interposer entre le sujet et moi. C’est la raison pour laquelle j’utilise toujours l’iPhone le plus récent. Se préoccuper du diaphragme et de la distance focale pourrait nuire à la fugacité de l’instant.
Quelles personnes vous inspirent ?
Toutes celles et ceux qui, imperturbablement, suivent leur voie sans se corrompre. Que ce soit dans l’art, dans le sport, dans n’importe quelle profession, dans la vie en général.
Quels sont les artistes/œuvres d’art qui vous impressionnent le plus en ce moment ?
Le plus ? Je réfléchis depuis cinq minutes et ne vois personne. À moins de consulter mes archives. Certainement parce qu’il y a beaucoup de bons artistes. Mon MacBook est rempli de captures d’écran de choses que j’ai trouvées intéressantes derniers temps. Mais impressionnant ou se distinguant explicitement de la masse, personne ne me vient spontanément à l’esprit. Je ne vois aucun génie fou comme Dalí. Ce qui est impressionnant, c’est l’engouement actuel pour les NFT dans le monde de l’art. Un mélange totalement incontrôlé de Far West, de futur et de non-sens. Ce sujet me passionne beaucoup en ce moment.
Qu’est-ce qui fait une bonne œuvre d’art ?
Lorsqu’elle est exceptionnelle sur le plan technique ou conceptuel, voire les deux.
Sur quel projet travaillez-vous en ce moment ?
Sur un projet baptisé TWINS. Il pose la question – et y répond en partie – de savoir si la symétrie est la justice des choses. Une exposition a déjà eu lieu à ce sujet, avec les premiers NFT dévoilé. Dès que la crise sanitaire aura pris fin, je préparerai mon prochain voyage. Attendez-vous à de nouveaux clichés de ce côté-là également.
Quel but l’art doit-il poursuivre ?
Il ne doit poursuivre aucun but, mais peut au contraire viser à peu près tout et n’importe quoi. Il peut aussi bien attirer l’attention sur un problème de société qu’être tout simplement beau. Sérieux, triste, oppressant, esthétique, léger : telles sont les épithètes auxquelles je pense.
L’art rend-il heureux ?
En faire, en tout cas, oui.