Dallae Bae

Le nu féminin émerge parmi les oiseaux de paradis, les grenades pulpeuses et les floraisons enivrantes. Les contours délicatement galbés aux couleurs chatoyantes rencontrent un corps dévêtu et comme enchevêtré dans la luxuriance de la faune et de la flore asiatique. Ce corps entièrement abandonné à la peinture prend place dans l’ensemble de la composition, s’assujetti aux arabesques jusqu’à devenir l’une d’entre elles.

L’association entre la photographie de nus et la peinture traditionnelle de son pays est le thème central du travail de la coréenne Dallae Bae. La découverte de Veruschka fut décisive dans son parcours artistique. Née en 1939 à Königsberg (l’actuel Kaliningrad), Vera, comtesse von Lehndorff, acquit à partir de ses seize ans une notoriété croissante sous son nom d’artiste Veruschka et fut très bien accueillie dans les cercles artistiques. Tant sa personne que son œuvre artistique ont depuis toujours fasciné Dallae Bae. Pour son « Hommage à Veruschka » (2008), elle reprend une méthode chère à son mentor : il s’agit de fondre la figure humaine dans le décor de telle manière que la perspective en soit déstabilisante. Avec ses « body paintings », Veruschka a introduit au cours des années soixante un procédé révolutionnaire de représentation du corps et de la corporéité. A plusieurs décennies de distance, et dans des circonstances bien différentes, les « performances » de Veruschka continuent d’influencer très nettement la peinture corporelle de l’artiste coréenne. Si les interventions de Veruschka doivent être comprises et évaluées en rapport avec leur contexte d’émergence, la force explosive des œuvres de Dallae Bae doit aussi être analysée dans son propre contexte. La liberté avec laquelle l’artiste met en scène le corps féminin est un moyen de bousculer les tabous de sa culture traditionnelle avec une audace qui n’a rien à envier aux provocations de Veruschka.

L’héritage culturel dont bénéficie l’artiste coréenne, qui a étudié et enseigné à son tour l’art dans son pays, continu de nourrir son vocabulaire esthétique. Elle réinvesti cet héritage de façon entièrement inédite en appliquant la peinture traditionnelle coréenne (« Min-Hwa ») à la surface de silhouettes dénudées. On a ainsi l’illusion d’une union entre le corps et l’arrière-plan, illusion due à la continuité du motif dans lequel l’artiste enchâsse son modèle. C’est au terme de ce processus artistique complexe qu’elle retouche les photographies du modèle et de l’arrière-plan imprimées sur papier spécial. En reprenant le flambeau de la peinture corporelle, Dallae Bae a développé une technique unique consistant à combiner symbiotiquement la peinture coréenne traditionnelle, l’enluminure des corps et celle des fonds de toile. Ses images nous séduisent à travers la virtuosité et l’ingéniosité du procédé pictural, l’éclat de leurs couleurs et leur plastique envoûtante. A l’acmé du désir sensuel et de l’excentricité visuelle, l’illusion créée par cette peinture se change imperceptiblement en une prise de conscience : tout comme la beauté des corps à laquelle ces images rendent hommage, le fard qui les couvre n’est que trop éphémère.

Almut Andreae

Expositions individuelles

2010	Gallery Palais de Seoul, Séoul, Corée
2009	Painting on Body, Insa Art Center, Séoul, Corée
1997	Lovely Binding, Kwan-Hoon Gallery, Séoul, Corée
1994	Su-Kyung Gallery, Séoul, Corée
1993	Iris Cultural Center, Séoul, Corée

Expositions collectives

2009	The Embassy of China, Beijing, Chine
	Young Eyesight, Gyongnam Art Museum, Changwon, Corée
	Face, body and view point, Korean craft promotion foundation, Séoul, Corée
2008	Noam Gallery, Séoul, Corée
	Museum of Sungshin Women's University, Séoul, Corée
	2008 World Body Painting Festival, Dae-Gu Stadium, Dae-Gu, Corée
2007	Insa Art Center, Séoul, Corée
2006	Gallery Gaia, Séoul, Corée