L’artiste Seçil puise sa force créative dans l’opposition qui réside entre ordre et progrès. Elle confronte toute forme physique autonome à une grille géométrique qui recouvre, pénètre et rythme l’espace pictural à la manière d’un réseau structurant. Les couleurs choisies, les effets de lumière et les contrastes complémentaires jouent chez elle un rôle essentiel dans l’élaboration de l’image. Véritables contrepoints esthétiques, ils agissent pour le spectateur comme autant d’essences immatérielles se propageant sur la représentation et mettent en rapport l’incommensurable avec le sensible, un peu comme si ses sentiments émergeraient au sein même de l’espace figuratif.
La répétition métronomique des lignes met en évidence l’approche résolument bidimensionnelle des images. Transposée dans le contexte de l’architecture et de l’expérience urbaine, cette structurante texture tissée renferme un puissant antagonisme sensoriel : de même qu’une topographie ou un paysage peuvent être mesurés ou cartographiés, leur potentiel, pour ne pas dire leur spécificité, ne sont guère visibles à travers le canevas. Les peintres de la Renaissance n’hésitaient pas à recourir à des cadres optiques pour représenter avec précision les objets et les paysages. Si Seçil entreprend une démarche similaire, elle ne cherche rien de moins qu’à entremêler l’abstrait avec le figuratif.
Dans sa série Bird’s Eye View, l’artiste imagine une perspective en plongée de différentes métropoles européennes telles que Bâle, Zurich, Lausanne ou Istanbul. Tandis que leurs plans forment une partie de la toile en tant que forme abstraite libre, l’autre apparaît par sa subtile interaction avec la trame appliquée. On peut tout à fait voir dans cette forme picturale une métaphore de la relation qu’entretient le rêve avec la réalité. Pour l’artiste, ces deux entités s’imbriquent directement l’une dans l’autre pour former un tout existentiel.
Seçil a exposé en solo show à Istanbul, Ankara et New York et participé à plusieurs rétrospectives collectives en Allemagne, en Suisse, en Italie, au Royaume-Uni ainsi qu’aux États-Unis. Elle a également a publié un premier recueil de ses œuvres en 2016 et fut l’invitée de plusieurs symposiums et résidences d’artistes. Ses peintures ont d’ores et déjà été acquises par de prestigieuses collections privées. Seçil vit et travaille à Londres.
Stephan Reisner (trad. E.de Montgolfier)
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